Pourquoi je suis photographe – Pauline Clair, photographe à Fraize (Vosges)
Pourquoi je suis photographe (et pourquoi ça compte)
Parce qu’un jour, tout ça ne sera plus que des souvenirs.
Et que je veux qu’ils restent. Vraiment.
Parce que je suis plus à l’aise derrière l’objectif
Je suis photographe, mais je ne suis pas à l’aise en société.
Les groupes, les discussions légères, les grandes réunions… ce n’est pas trop moi.
Je redoute les regards, les jugements, les mots qu’il faut trouver.
J’ai toujours peur que mes phrases tombent à côté, que mon humour ne soit pas compris, que mes silences soient mal interprétés… surtout quand je pense que je dois absolument les remplir.
Mais dans mon studio, c’est différent.
C’est ma safe place.
Ici, je suis moi. Entière. Vraie. Présente.
Tout me ressemble : ma manière de vous accueillir, les décors que je choisis, les images accrochées au mur.
Ce lieu, c’est une extension de moi.
Et derrière mon objectif, c’est encore plus évident.
Je n’ai pas besoin de parler beaucoup.
J’ai besoin de vous observer. De chercher la sincérité dans vos gestes, vos silences, vos liens.
Mes images ne trichent pas.
Elles racontent ce que, parfois, moi je n’ose pas vous dire tout haut.
Parce que le temps n’attend personne
Un jour, on se retourne… et l’enfant a grandi.
Les grands-parents ne sont plus là.
Et on se demande : est-ce qu’on a assez profité ? Est-ce qu’on a assez gardé ?
Alors je photographie.
Parce que moi aussi, il m’arrive de regretter.
Dans certaines réunions de famille, ou même en société, quand le monde va vite autour de moi, j’ai parfois le sentiment de passer à côté.
De ne pas avoir su discuter avec telle personne, de ne pas avoir osé plaisanter, de ne pas avoir trouvé ma place.
Mais derrière mon appareil, je me sens utile.
Présente.
Je photographie pour vous montrer tout ce que je ne sais pas toujours dire.
Que vous êtes beaux. Que vous êtes drôles. Que vous êtes une maman incroyable.
Que ce lien entre vous, entre frère et sœur, entre générations, est unique.
Que cette grossesse vous allait si bien. Que ce moment méritait d’être vu.
Je photographie pour que vous puissiez vous voir comme moi je vous vois.
Parce que j’ai besoin de garder une trace
Je n’ai pas choisi la photo simplement parce que j’aimais ça.
J’ai choisi la photo parce que j’ai peur que les choses disparaissent.
Les petits gestes qu’on oublie.
Les regards tendres qu’on ne voit plus.
Les moments précieux qu’on croyait banals.
Je photographie pour garder des preuves.
Preuve que vous vous êtes aimés fort.
Preuve que c’était beau, même dans le chaos du quotidien.
Preuve que ce lien, là, valait la peine d’être figé pour toujours.
Parce que le papier, lui, ne ment pas
Je ne veux pas que ces images restent enfermées dans une clé USB.
Je veux qu’on les touche, qu’on les garde, qu’on les feuillette.
Je crois aux albums qu’on pose sur une table basse.
À ces images qu’on ressort un dimanche après-midi, ou quand un enfant demande :
« C’était comment, quand j’étais petit ? »
Je crois au papier.
Pas par nostalgie, mais parce que c’est ce qui reste.
Parce que dans un monde où tout défile, tout s’efface, le papier ancre les souvenirs dans la réalité.
Je ne photographie pas pour remplir un dossier.
Je photographie pour raconter votre histoire. Pour la faire exister. Pour qu’elle vous accompagne longtemps.
En résumé : pourquoi je fais ce métier ?
Parce que j’y mets tout ce que je suis.
Mes silences, mes émotions, mes regards discrets.
Parce que c’est ma façon à moi de dire : “Tu comptes. Ce moment compte.”
Et si j’ai parfois du mal à le dire tout haut, je saisis la lumière pour vous le montrer.